
Le Guerrier arc-en-ciel est un livre qui rassemble trois nouvelles qui ont un même fil conducteur et dont la mélodie va crescendo : Le Bourlingueur et la souris, Le Guerrier arc-en-ciel et Terre Patiente. Pour vous en donner un aperçu, se trouvent ci-dessous des extraits de chacun de ces récits. S’ils vous intéressent, vous pourrez lire les histoires complètes sur Amazon en numérique, et même en commander un tirage papier sous la forme d’un livre classique. Ce mode d’édition à la manière du 21ième siècle est en train de se répandre. Les illustrations de ce livre sont des peintures de Yahne Le Toumelin, et des sculptures de Waï-Da Witty. La mise en page et en ligne a été assurée par « SLSP » Ivan Charpentier.
«Qu’ai-je fait de mon existence ?» pense l’homme ce soir-là, désabusé.
Bourlingueur, il a croqué la vie à belles dents. A présent il recherche la vérité, sa vérité.
«Je me suis amusé, j’ai aimé, j’ai haï et j’ai su rester libre. Maintenant je suis un homme mûr, pourtant ma vie me semble n’avoir duré qu’un jour. Quel est le sens de tout cela ? Je suis peut-être au seuil de la mort et je n’aurai rien compris.»
Dehors tombe une pluie d’orage. Accoudé au bar enfumé un inconnu le regarde. Ils se mettent à parler jusqu’au petit matin.
«Je pars me retirer quelque temps dans la montagne pour faire le point. Si tu veux, rejoins-moi là-bas», lui dit ce nouvel ami. «Mais il faudrait que tu rencontres mon guide pour avoir son avis.»
Le sage est quelqu’un d’un abord très simple et direct. Il habite une toute petite maison emplie de livres anciens et d’une odeur de feu de bois…
…Quelques jours plus tard, voici l’homme consolidant un vieil abri de berger dans la montagne… L’ami, déjà installé, est quasi-invisible. Il médite.
Chez l’homme d’abord comblé, l’ennui ne tarde guère à s’insinuer ; la solitude lui pèse. Une souris, qui s’est habituée à partager ses repas, le tire de la mélancolie qui le guette… Puis la tempête se lève en lui. «Besoin de prendre le large !» Cette fois il enfile son sac à dos, et s’en va.
Pourtant le voici de retour au bout de quelques semaines, sa quête chevillée en lui.
La mine renfrognée, l’ami est à la porte de l’abri de berger : «Si tu es juste de passage, mieux vaut t’en aller », lui dit-il d’un ton sec. « La souris que tu t’es amusé à apprivoiser a failli se laisser mourir de faim après ton départ. J’ai eu beaucoup de mal à la sauver. Elle ne résistera pas à un nouvel abandon. Tu as pour principe de ne pas t’engager, alors il vaut mieux que tu partes tout de suite.»
A la fois ému par la souris et piqué au vif, l’homme s’exclame : «Eh bien, je m’engage à rester le temps que vivra mon amie souris !»
Des jours heureux s’ensuivent. La souris prospère ; l’homme médite. Puis le désir le reprend de s’évader de ce tête-à-tête avec lui-même, euphorique des fois, douloureux souvent.
«Combien de temps vit donc une souris ?» Question cruciale pour l’homme qui maintenant se sent prisonnier avec pour geôlier… une souris ! Il faut qu’il s’en débarrasse…
Cela commence n’importe où, n’importe quand, peut-être même dans un monde parallèle miroir de notre monde… à moins que notre monde n’en soit le miroir…
Toujours est-il qu’au moment où débute cette histoire, une lumière brille tard dans la nuit sur une montagne au ciel étoilé. Le léopard des neiges boit à la rivière qui reflète la pleine lune, et le vol silencieux d’une chouette fend l’espace.
Un petit berger écoute au coin du feu. Ses parents, de pauvres paysans, ont accueilli ce soir-là un mendiant de passage.
Pour les remercier, celui-ci conte la geste de ce chercheur de connaissance qui, à l’âge de huit ans, berger lui aussi, s’était lié d’amitié avec un fauve qui l’avait protégé de sa chaleur, alors qu’il allait mourir dans le froid nocturne des hauteurs où il s’était égaré ; par la suite, il avait rencontré un vieil ermite qui était devenu l’ami qu’il visitait en secret, mais qui devait bientôt disparaître. L’enfant avait alors choisi de devenir moine et, une fois adulte, il avait connu toutes sortes d’aventures avant de devenir «Celui-aux-cinq-sagesses».
Saisi d’inspiration, le petit berger qui écoute au coin du feu décide d’être moine !…
Le soleil se couche derrière les montagnes encapuchonnées de blanc. C’est l’heure où les oiseaux se taisent. Dans le silence fragile, le son d’une flûte lointaine étend son trille rouge.
Chassé par un vent qui ploie les arbres clairsemés des hauteurs, l’orage s’éloigne de la vallée tout en bas. Pendant trois jours et trois nuits, la grêle et les éclairs y ont semé la ruine, avec juste quelques brefs répits.
Le pic sur lequel se dressent les murs de la communauté devient silhouette sombre ; il s’élève dans un ciel rougeoyant.
La gardienne des portes, une grande femme aux formes sculpturales, la tête auréolée de cheveux rouges, avance lentement dans sa longue robe indigo. Son visage au teint laiteux a l’air serein, si ce n’est le désarroi des yeux qui regardent le ciel. Chaque coucher de soleil flamboyant demeure un tourment pour elle. Bien que Malaïka ait trouvé refuge depuis des années dans cette Citadelle des Insoumises, il lui rappelle toujours sa fuite de son île natale, l’île du Sabre, mise à feu et à sang par une guerre pour le pouvoir entre les hommes. Elle se revoit nageant vers le continent dans les eaux rougies par le reflet des incendies. Elle a encore dans les oreilles les cris de ceux qu’il était impossible de secourir derrière les portes monumentales de la cité. Est-ce pour cela, qu’elle n’aime pas fermer les portails malgré la fonction qui lui a été dévolue en raison de sa taille et de sa force ? Pourtant il faut bien se prémunir contre d’éventuelles incursions d’ours ou de brigands, quoique ces derniers éprouvent une peur superstitieuse vis-à-vis de ce lieu.
Malaïka vient tout juste de clore l’enceinte extérieure lorsque des coups désordonnés sont frappés contre le bois massif.
Après une seconde d’hésitation, elle tire vers elle l’un des lourds battants en grommelant un peu. Une femme hagarde, le visage livide, lui apparaît. «J’ai tout perdu», dit-elle avant de s’effondrer sans connaissance. Malaïka a tout juste le temps de la retenir dans ses bras…

Merci pour vos si beaux textes, riches de sens, de poésie et d’enseignants.