Dans la nuit s’avançait à longues foulées silencieuses la louve bleue des grands fonds rocheux. Elle avait rendez-vous avec une jeune fille. Elles devaient aller toutes deux à la rencontre de la lune sur les grandes échelles de soie tissées par les femmes des korrigans.

       Arrivée à l’orée du village tapi sous ses toits bleus, la louve se mit à hurler doucement. C’était un long hurlement tranquille. Il s’élevait calmement, sûrement, comme une fumée droite s’élève dans le ciel.

       La jeune fille sortit de l’ombre et puis, suivirent à pas de somnambules, un petit garçon, un autre petit garçon, une petite fille, un lapin, une souris… et une coccinelle. La jeune fille eut un geste d’impuissance en regardant la louve puis elle éclata de rire, sans bruit : il lui était impossible de les renvoyer. La louve aussi rit en retroussant ses babines.

       Alors ils grimpèrent tous à la queue leu leu aux échelles de soie et ils se trouvèrent tout au bout du ciel. La lune les attendait dans sa robe de lumière bleue. Elle leur avait préparé un succulent festin.

      Puis le ciel rosit et le chant du merle jaillit de la terre en trilles rouges et violette. Alors ce fut la débandade. Les petits garçons, la petite fille, le lapin, la souris… et la coccinelle dégringolaient à qui mieux mieux et se retrouvaient, qui emberlificoté dans ses draps, qui sous son oreiller sens dessus dessous, qui tout de travers dans son terrier ou glissant d’un brin d’herbe.

       Assises côte à côte sur la terre s’éveillant doucement, la louve bleue et la jeune fille contemplaient le soleil levant. Elles souriaient…